Sylvie Bussières, Fontaine et Théières, 2004
Céramiques (atelier Roque Martinez Izquierdo, Agost, Alicante, Espagne)
Musée Promenade, Digne-les-Bains
Collection musée Gassendi
Dans la galerie du Cairn en 2004, l’exposition de Sylvie Bussières présentait La Fontcuberta (2003), littéralement Fontaine couverte, en un joyeux hommage à l’artiste catalan dont l’empreinte de l’œuvre sur le territoire dignois était déjà inscrite. Elle faisait écho à la Fontaine de théières installée à l’extérieur, sur le parcours du parc qui conduit au Musée Promenade. Dans une relation sensible au lieu, l’artiste choisit de s’en référer ici à la cascade pétrifiante. Les trois totems définis par la superposition de formes théières, créées en céramique pour le projet, atteignent jusqu’à deux mètres de hauteur. Ils laissent passer l’eau par les différents becs pour faire écho aux sonorités de l’eau qui coule, partout perceptible en ce lieu d’ombre et de fraîcheur.
La théière, spécifie le lien à la culture asiatique qui a pénétré l’occident par de savants aller-retour. Formellement, elle relate aussi les formes équilibrées qu’un objet domestique artisanal basique est susceptible de porter, avec la simplicité du geste de l’artisan. Mais ici, chacune des théières fabriquée et empilée sur une autre, garde sa singularité et fait exception. Cette dimension révèle l’expérience sensuelle de la matière et de la forme avant qu’elles ne se fondent au milieu pour lequel elles ont été conçues,
Cette fontaine vient ainsi chatouiller la réalité, en offrir une vision ludique et, finalement, poétique, vivante et personnelle.
Après ses études artistiques à l’Université Laval à Québec (1990) où elle est née, Sylvie Bussières se sent stimulée par le travail en résidence et en itinérance à travers le monde (Canada, États-Unis, Mexique, Allemagne, Suède, France et Espagne). Elle finit par poser ses valises en Catalogne, où elle travaille depuis 10 ans dans un atelier collaboratif de la ville de Granollers, près de Barcelone. La richesse des sources et le croisement de différentes cultures ont enrichi sa perception et sa pratique de l’art. À partir d’un travail en volume, lié aux gestes qui font et qui défont, elle interroge le sens et la logique des formes, de la matière, de la mémoire et des lieux. Son sens du toucher est particulièrement perceptible lorsqu’elle manipule des matériaux ou des objets communs recyclés, déjà porteurs de mémoire. Ses propositions questionnent en creux l’utilité des choses, l’inutilité des objets, ce qu’il en reste, ce qui compte. Déplacés dans la sphère esthétique, les choses tentent – y parviennent-elles ? – de retrouver du sens. C’est sans doute à la frontière fine entre ce qui vaut (de l’or) et ce qui ne vaut rien que se situe cette recherche de moyens pour questionner l’action artistique elle-même (tautologie). Hautement raffinées chez Sylvie Bussières, différentes techniques artistiques sont explorées, voire parodiées : accumulations, collections ou recouvrements d’objets passent au crible de la photographie, de la vidéo, du dessin ou du collage et se présentent en de parfaits dispositifs.