Mark Dion, Le donjon de l’ours qui dort

Mark-Dion-Le-Donjon-de-lOurs-qui-dort-2011-Seyne-les-Alpes-©-VIAPAC

Mark Dion, Le donjon de l’ours qui dort, 2012

Fourrure artificielle, matière synthétique, porte de geôle (dessinée par l’artiste), dispositif sonore, environnement d’outils de jardinage, cercueil de verre 

Fort de Seyne les Alpes
Coordonnées GPS : 44°21’19.8’’/6°21’13.79’’

VIAPAC, collection Conseil Général des Alpes de Hautes-Provence

 

Édifiée à la fin du XVIIème siècle selon des plans de Vauban, la Citadelle de Seyne-les-Alpes s’étire sur la crête de l’éperon rocheux appelé “la Robine“. Elle domine l’ensemble fortifié (remparts, bastions…) qui doit protéger Seyne, alors ville frontière, des attaques des savoyards, ennemis du roi de France, Louis XIV.

Au sein de cette citadelle, l’œuvre de Mark Dion invite au cheminement des visiteurs jusqu’à la dernière cellule du fort. Là, la sculpture d’un ours grandeur nature figure l’animal en train de dormir, enchaîné. La présence de l’animal est d’entrée perceptible par la diffusion sonore de son ronflement. Alentour, des outils de jardinage soulignent comment le monde sauvage a progressivement disparu ; l’appropriation humaine des territoires a efficacement conduit à réduire l’espace vital de la faune sauvage.

Cette œuvre intègre complètement l’histoire du fort et du territoire ; il y a quelques décennies, l’homme chassait l’ours dans cette région. En raison des interprétations mythiques de l’ours, il est le plus paradoxal des animaux dont se sont saisis les mythes et imaginaires. Réellement solitaire, dangereux, agressif, l’ours est paradoxalement vu comme l’animal doux et calme par excellence, ami des enfants. Depuis toujours pourchassé par les bergers et chasseurs, il est également le symbole des violences humaine à l’égard de la nature sauvage, qu’il convient désormais de sauvegarder et de protéger. C’est en tant que symbole de toutes ces contradictions que l’ours intéresse ici Mark Dion.

Le contexte dans lequel prend vie cette œuvre efficace, est remarquablement saisi puisque toutes les strates historiques des aménagements agricoles et urbains sont visibles du haut du fort de Seyne-les-Alpes. Le paysage porte à penser. 

 

« Mon travail porte sur l’idée même de classement, sur la validé ou non des principes et méthodes qui gouvernent l’organisation des choses, ainsi que sur ce que ces principes nous révèlent de nous-mêmes » (Entretien avec Natacha Pugnet in Mark Dion, L’Ichthyosaure, la Pie et autres merveilles du monde naturel, 2003, Images en Manœuvres édition, p.37)

 

Artiste américain, Mark Dion vit et travaille à New York où il a enseigné les arts visuels à l’Université Columbia de Manhattan. Il s’engage tôt en faveur d’une lecture critique des codes de lecture visuels et idéologiques qui formatent l’expérience de la nature. Pour ce faire, il agit comme un scientifique, adopte des méthodologies mais en les détournant de leurs objectifs, sème le trouble et se plaît à induire des décalages pour interpeler et remettre en question le pouvoir des sciences sur la production des connaissances. Certaines de ses mises en scène évoquent les muséums d’histoire naturelle. Avec Mark Dion, l’humour prend la part belle des dispositifs. L’objectivité scientifique contestée permet d’autres interprétations du monde ; ses décalages sont instructifs. Le rôle de la subjectivité de l’artiste en tant qu’interprète critique du monde est également au cœur de la démarche. La fonction de l’art elle-même s’interroge au prisme des dispositifs d’apparence encyclopédique, aptes à soulever des débats sur les systèmes de valeurs culturelles.