Knud Viktor, Allô la terre

Knud Viktor

 

Knud Viktor, Allô La Terre, 1997

Installation sonore des Petits sons, deux cabines téléphoniques, aluminium et verre, dispositif d’appel et d’écoute, alimentation solaire

Collection musée Gassendi – don en 2011

 

La série des Petits sons a été intégrée dans un dispositif d’écoute bien pensé ; dans d’anciennes cabines téléphoniques alimentées par énergie solaire, la diffusion du son s’enclenche en décrochant le combiné. Allô la terre est le titre générique de l’installation qui diffuse dix pièces sonores aux auditeurs volontaires : le chant d’amour des mouches de vin ; le lapin qui rêve, ronfle et respire ; un escargot qui avance ; deux escargots qui mastiquent leur salade ; un renard qui fuit ; un nid de mésanges ; une souris qui tête ; les palabres des fourmis ; un grillon qui n’arrive pas à démarrer son chant ; la gloutonnerie des vers à bois. À l’écoute de ses minuscules sons, on devient le complice et le témoin étonné de ce monde habituellement inaudible.

Relier le mode de communication d’une cabine téléphonique désormais obsolète, au monde sous-terrain de la vie naturelle, si éloigné de nos capacités perceptives, rattache ce projet à un retour aux sources, à la recherche d’un moyen pour communier avec l’origine. Il oblige à changer de point de vue, en faisant l’expérience directe et intime de l’écoute qui engage une esthétique de la rencontre et du respect.

À l’occasion du festival Inventerre et de l’exposition de l’artiste à Digne en 2010, l’installation de plusieurs cabines s’est étendue le long de la Bléone, dans la cour du musée et en d’autres espaces publics.

 

– « De temps en temps il faut que l’art soit ramené à la terre pour boire un peu d’eau fraîche »
– « Fais attention au sol sur lequel tu marches, tu en fais partie, le détachement apparent n’est que provisoire. L’homme d’aujourd’hui oublie presque toujours son origine. L’origine c’est en gros la Terre, cette boule ronde sans laquelle il patinerait dans le vide. »
– « Avec le son, on est transporté dans le monde qu’on écoute. C’est pour ça que je dis que je me cogne la tête quand je veux entrer dans un trou de souris. Au bout d’un moment, on vit avec ce qu’on fait. On reste là à plat ventre. On oublie sa propre taille et on vit avec ce qui se passe. »
extraits de notes de l’artiste non datées, Archives Knud Viktor, musée Gassendi

 

Dès les années 70, l’artiste danois Knud Viktor s’est distingué des modes artistiques traditionnelles pour une pratique inédite, attentive au vivant, à partir d’instruments très simples ; magnétophone, micro et objet servant de parabole l’aident à enregistrer les sons produits par la vie de ceux dont on compromet la survie. Très précoce lecteur des penseurs de l’écologie, tel Rachel Carson, son œuvre s’emploie dans ce registre. Il a fini par constituer des palettes de sons et d’images considérables, depuis l’extrême proche nature qui lui servit d’atelier, sur le versant sud du Luberon, où il s’est installé depuis les années 60. Il a vécu là où il a créé ses captations sensibles. Ses collectes ont servi des compositions numérotées, images ou peintures sonores, selon les titres. Se définissant comme peintre sonore et compositeur, sans pour autant se sentir musicien ou peintre, il a procédé par montages et collages de fragments d’instants furtifs, pour mettre en vue et en ouïe la part insignifiante et discrète de la nature : le ver qui mange une pomme, le lapin qui rêve, le craquement des roches, les pierres qui basculent dans le vent… Loin d’être exhaustive, sa démarche s’est appliquée à saisir l’imperceptible, le plus fidèlement possible : saisir ce qui grouille autour si on écoute, saisir les sons du monde invisible. Ainsi, la nature objective de ses images sonores ouvre un large champ à la rêverie et l’imaginaire poétique, ressort essentiel de cette démarche hors norme.

Son Image 6, sous-titrée Symphonie du Luberon a été enregistrée en deux 33 tours. La plupart des archives d’atelier de Knud Viktor est conservée au musée Gassendi de Digne- les-Bains depuis 2013, premier musée a avoir acquis de son vivant, une œuvre de ce pionnier de l’art sonore.