Jean-Luc Parant, La présence des boules

Jean-Luc Parant

 

Jean-Luc Parant, La présence des boules, 1999

Installation permanente destinée à être naturellement engloutie dans la cascade pétrifiante, environ 4 000 boules en terre de différentes tailles

Cascade du parc Saint-Benoît

Pour Jean-Luc Parant, donner à voir se solde par la mise en forme boule ; nous ne pouvons jamais voir en entier, nous ne voyons que petits bouts par petits bouts.

Majestueuse, rafraîchissante, la Grande Cascade du parc Saint-Benoît est issue de la source naturelle du domaine qui coule en permanence et irrigue la propriété. La présence des boules favorise un regard rapproché. La terre du lieu de l’installation de l’œuvre est la matière première de la myriade de boules qu’il confectionne. Elles épousent les pentes douces de la cascade, suivant l’eau qui coule, et participent à la vision des profondeurs. Pendant les premières années, La présence des boules ornait la cascade de perles improbables. Peu à peu, à force d’être arrosée en permanence par la fine pluie d’eau pure, la terre se changea en boue, les boules s’affaissèrent avant de disparaître de la vue. Œuvre paradoxale. Elle continue de clamer sa présence au plus fort de son enfouissement, de sa disparition. Œuvre métaphorique, en perpétuelle transformation ; partant des yeux, formant des boules, mourant de la terre, aveugles. Née de la profondeur obscure de la terre, l’œuvre y retourne. Or, sa présence sourde se fait l’écho du mystère de ses origines et de sa condition.

 

« Nous sommes dans des sociétés où rien ne déborde, où tout débordement est insupportable et condamnable. Déborder c’est aller contre tout système établi ». J.-L.Parant, La liberté du désordre, Fage éditions, 2018, p. 65.

« Nous sommes apparus pour disparaître. Nous vivons pour mourir, pour vider ici sur la terre notre corps et notre tête. Nous sommes nés et l’obscurité a recouvert une partie de notre corps jusqu’à faire disparaître notre visage devant nos yeux pour faire naître le monde. » J.-L.Parant, Un éboulement poétique par les yeux, dans « Le français aujourd’hui » 2003/4 n°143

 

Jean-Luc Parant s’est défini comme « fabricant de boules et de textes sur les yeux ». Il est poète, auteur d’une centaine de livres (aux éditions José Corti) qui s’ajoutent à une pratique plastique des plus constantes et originales. Par-delà l’organe de la vision, les yeux de Jean-Luc Parant voient et s’expriment par les mots et les formes boules, malaxées au creux des paumes. Au début, il fabriquait ses œuvres dans le noir, à la lueur de la bougie, matière de laquelle il extrayait des créations en cire, émanant de l’ombre. Sa première exposition dévoile quatre-vingt-quatre bas-reliefs d’yeux en cire. Il façonne ensuite des boules en terre de tailles diverses pour les placer au bord du chemin de la Maison de l’art vivant, créée à Buis-les-Baronnies avec sa femme, Titi Parant. Elles soulignaient un passage, du plan au volume, de l’esprit à la matière, du visible au touchable. En 1974 à Toulouse, sa première installation muséale d’envergure compte 300 boules puis, de plus en plus monumentales, les suivantes tendent à envahir l’espace, à le déborder (100.001 boules au Musée d’Art Moderne de Villeneuve d’Ascq, 1985). Paradoxalement, le principe de disparition s’unit à celui d’accumulation ; l’œuvre Éboulement (1991), acquise par le MAC de Lyon, est liée à un « contrat d’envahissement » qui prend fin à la disparition de l’une des parties. Œuvre emblématique de l’artiste, elle se réfère au processus artistique, à sa temporalité et à la vie même de l’artiste, arrimée à celle de son œuvre.