Eric Samakh, Les joueurs de flûte, 1999
Installation sonore, capteur solaire, d’une turbine, d’une électronique, d’un sifflet et et d’un tube
Musée Promenade
L’œuvre du parc du Musée Promenade fait partie d’une suite – Les joueurs de flûte – créée en 1997, qui a évolué et été installée différemment selon les contextes jusqu’en 2005. Toutes ont été conçues avec des flûtes harmoniques attachées aux branches des arbres, composées d’un capteur solaire, d’une turbine, d’une électronique, d’un sifflet et d’un
tube.
À Digne-les-Bains, l’installation permanente, Les joueurs de flûte, réunit une vingtaine de modules suspendus, alimentés avec l’énergie de leur propre capteur solaire. Chacun émet un son répétitif, comme le chant d’un grillon, mais selon une note différente en fonction de la longueur de son tube, d’un modèle unique, et des conditions d’ensoleillement, dont les arbres eux-mêmes dépendent totalement. Comme pour tout vivant, pour Les joueurs de flûte, c’est la source d’énergie solaire qui module l’intensité du son, suivant les rayonnements lumineux. Dans la mesure où il y a une vingtaine de flûtes, le jeu d’harmoniques comporte également des combinaisons différentes. Ces deux paramètres contribuent ensemble à un renouvellement sonore permanent, jusqu’au silence durant la nuit. Cette variation sonore coïncide fondamentalement avec le milieu naturel auquel Erik Samakh se réfère, puisque, comme des animaux, les flûtes réagissent auxalternances du jour, de la nuit, et sont sensibles aux conditions climatiques.
« Mon travail est une manière de raconter ce que je vis dans le milieu naturel et, tel un chasseur-cueilleur, je ramène des histoires ou des sons de mes escapades, tout ce qui constitue le résultat de mes chasses. Ensuite, je les donne à « manger », à écouter, à sentir et à voir aux autres. Quelque chose, en revanche, me distingue du chasseur depuis le départ, et c’est très volontaire de ma part : l’absence de mots, d’un récit déjà tout fait et écrit. Un chasseur en effet, lorsqu’il est de retour, conte ses histoires ; moi, je ne conte pas : à part pour les titres des œuvres, les mots ou tout ce qui pourrait se rattacher à du signifiant verbal, sont exclus. Tout se joue dans les photos, les bruits ou le travail sur des matériaux naturels.
(…) Moi qui ne suis pas sculpteur, j’utilise toutes sortes de matériaux – sons, voix, lumière… – avec aussi cette volonté de créer quelque chose de vivant, par exemple avec des bruits qui passent, qui nous échappent et qui disparaissent. J’aime aussi donner l’illusion d’une présence animale, à travers des installations sonores très sensibles qui permettent de varier l’intensité du son en fonction des déplacements des spectateurs. » extrait de l’entretien avec Amélie Lavin et Jean-Baptiste Chantoiseau, 2013 -site documentsdartistes.org
Tout le travail d’Erik Samakh exprime sa sensibilité à l’égard du vivant. Depuis les années 80, diplômé des Beaux-Arts (Cergy, 1984), il se faufile dans le milieu naturel sans perturber l’environnement. À partir d’enregistrements de chants et de bruits animaux, par un recours intelligent à une technologie légère, rendue invisible par la prouesse des agencements, l’artiste crée des conditions d’écoute ou, en intérieur, des lieux de silence (Zone de silence, 1996). À partir de ses propositions sonores et visuelles notre perception des milieux naturels se transforme.
In situ, il s’est introduit dans des environnements naturels de type sous-bois ou marécages dans lesquels il a créé des situations communicationnelles entre espèces, aussi bien animales (dont humaine) que végétales, et ce sans faire forcément appel à la technologie. Certaines de ses œuvres ont été installées, provisoirement ou de façon permanente, dans des parcs ou réserves naturelles (forêt de Tijuca au Brésil ; Centre international d’art et du paysage de Vassivière ; Domaine régional de Chaumont-sur-Loire…). Il s’intègre également dans le patrimoine historique (Abbaye de Maubuisson, Château de Chambord, Moulin de la Recense). Dans les lieux d’expositions, il intervient aussi légèrement ; les dispositifs visibles, prennent des formes qui dialoguent avec le son qu’ils diffusent. Ils restituent la finesse des bourdonnements, la délicatesse des vibrations ou la poétique des chants… Le travail d’Erik Samakh rend perceptible la beauté des petits sons de la nature, sons qui interagissent avec l’imaginaire. Il participe ainsi à une écologie de la perception qui invite à être au monde, davantage attentif.