Curt Asker, Triangle

Curt Asker, Triangle, 1998

Construction suspendue, toile de spinnaker et fils de kevlar, peinture

collection Musée Gassendi – don

 

Invité par le CAIRN en 1999, Curt Asker réalise des installations éphémères au jardin Saint-Benoît et quelques pièces, dont les œuvres, Triangle. Ces constructions semblent frêles, mais elles sont faites de matériaux résistants empruntés au monde de la pèche ; des fragments de toile de spinnaker sont montés sur fils de kevlar qui, une fois tendus et fixés en trois points, dessine la forme triangulaire. Ces œuvres ressortent de la série intitulée Immobiles.

En tension, la forme triangulaire évoque la manière dont l’araignée commence à tisser sa toile : résistance et légèreté. Cette forme convoque également des contraires : quand elle concrétise l’impression de matérialité et de pesanteur, elle n’est que fragilité et transparence.

En raison de la distance et de la hauteur où le Triangle ondoie, la perte des repères est plus grande. L’œuvre placée en altitude cerne le vide, elle s’emplit aussi d’air ; son dessin octroie à l’espace le champ de la contemplation, au travers d’une figure simplement détourée. Au vent, les vibrations des fragments de toile dont le triangle est fait, tendent à dessiner sur le ciel et, à disparaître. Trace discrète. Le parti pris de simplicité, celui même de l’invisibilité, visent l’essentiel : l’absence de symbolique au profit de toutes les visions et ouvertures que s’autorise un imaginaire créatif.

 

«  Mon travail est un jeu entre l’échelle et la distance. Entre la palpable et l’impalpable. Faire voir la densité de l’air. Donner du poids à ce qui, par convention, n’a pas de poids. Par des moyens légers mais d’une matérialité absolue. Je fabrique des instruments pour mesurer les échelles et les distances imaginaires en espérant qu’une fois je verrai le dos de l’horizon. » (email du 6 mars 2001)

 

Au cours des années 50, l’artiste suédois Curt Asker libère le cadre traditionnel du tableau. Il perçoit comment restituer des motifs issus de son observation du paysage, en les suspendant dans l’espace : paysage mis en scène. Il a partagé son temps entre un village de pécheur suédois et le village de Lacoste dans le Luberon. Son œuvre s’imprègne de son attachement au bord de mer, ce qui le conduit à utiliser des matériaux de la pêche, de la voile. Au fil du temps, le cerf-volant devient aussi un modèle pour la mise en œuvre de formes libres dans les airs. Les méthodes se clarifient, les dispositifs s’épurent. Semblant défier les lois de la pesanteur, les œuvres suspendues cadrent pourtant une parcelle d’espace, octroyée entre les lignes, parfois ondulantes (Sculpture-aquarelle), parfois figées (Immobiles) que l’artiste dessine d’une légère construction de bris de miroir, de papiers et toiles aquarellés, tendues sur fils. Invisibles, les maintiens déterminent un axe de visibilité vers le ciel. Ces délicats artifices ouvragent subtilement un vide. Ils accompagnent le regard vers une appréhension sensible du paysage, tout en imposant une poétique de l’espace qui, non seulement se donne à voir dans sa profondeur mais, à cet instant, se crée.