Andy Goldsworthy, Refuge d’Art

Andy Goldsworthy

Andy Goldsworthy, Refuge d’Art

Dans la réserve naturelle de l’UNESCO, géoparc de Haute-Provence, l’œuvre se compose aujourd’hui de sept refuges. À l’origine, de vieux bâtiments agricoles abandonnés, une chapelle en ruine, des cabanes de berger effondrées… fondent le projet de leur restauration, afin d’accueillir une œuvre de l’artiste et d’abriter les marcheurs et randonneurs. Refuge d’Art relie chaque bâtiment par un sentier pédestre de 150 km, de façon à « traiter le paysage comme un tout – et dans lequel l’œuvre d’art n’est pas tant un objet posé ou créé, qu’une couche supplémentaire de ce dernier » (A.G.) Néanmoins, il est possible de se rendre sur chacun des lieux par la route et quelques kilomètres de marche. Chaque Refuge offre aux visiteurs-marcheurs autant d’occasions d’être en contact direct avec une œuvre, d’y vivre, de la ressentir en son corps/cœur, sans omettre l’évidence que « dormir dans une sculpture, c’est une idée merveilleuse ! », s’exclame l’artiste.

À l’effort physique nécessaire pour accéder aux refuges d’art, à celui pour la réalisation du projet dans sa globalité, correspond le combat journalier des gens qui ont jadis vécu et travaillé là. La proximité avec eux, dégage une nouvelle définition de la nature sociale de l’art, si chère à l’artiste.

 

Refuge – Chapelle Sainte-Madeleine, 2002
Thoard, Vallée des Duyes
Coordonnées GPS : UTM 32 : X 273 166 – Y 4 893 094

Premier des refuges créés en 2002, l’œuvre s’inscrit dans la chapelle construite en 1657. L’artiste a doublé le mur du fond d’un appareillage régulier de pierres taillées, au milieu duquel une cavité ovoïde, parfaitement cisaillée à l’échelle humaine, permet de se tenir debout. C’est là que « d’autres se sont tenues avant, et où d’autres se tiendront après », dit l’artiste. Il conçoit ce dispositif pénétrable comme « un réceptacle qui garde le souvenir des visiteurs – témoignant de la présence mais aussi de l’absence humaine dans cet environnement. » Il y a une profonde émotion à se tenir là, debout, en communion avec le monde.

 

Refuge – Les Bains thermaux, 2002
Digne-Les-Bains, Vallée des Eaux-Chaudes
Coordonnées GPS : UTM 32 : X 281 440 – Y 4 884 443

Une ancienne cabane de berger sert d’écrin à un imposant cairn de galets clairs, visible depuis l’extérieur, par l’accès parfaitement circulaire, cerné de pierres foncées. Ce fort contraste formel fait écho au contre-choc visuel lorsque l’on pénètre dans l’abri, du passage de la lumière extérieure à la pénombre à l’intérieur. Le temps nécessaire à l’accoutumance oculaire invite également à prendre le temps d’une halte méritée pour continuer le sentier vers la chapelle Saint-Pancrasse.

 

Refuge – Ferme Belon, 2003
Draix, Forêt domaniale de Haute-Bléone
Coordonnées GPS : UTM 32 : X 287 916 – Y 4 891 953

En 1944, le hameau de Belon était une école de cadres de la résistance avant que les allemands ne les capturent. Il fut incendié en représailles. Aujourd’hui restaurée, l’ancienne petite ferme offre un refuge à l’étage et une installation permanente in situ au rez-de-chaussée. Sombre et bas de plafond, l’espace est occupé par dix arches en plein cintre faites en pierres blanches : figures courbées, dans une attitude de repli. Une grande perspicacité formelle gouverne ce projet. Il prend nécessairement la mesure du lieu, mais pour l’emplir du souvenir des Résistants qui se cachaient là. Anthropomorphes comme le sont souvent les modules architectoniques, les arcs, en dépit de leur beauté, rappellent la rudesse des conditions et les contraintes de vie et de mouvement des clandestins.

 

Refuge – Vieil Esclangon, 2005
La Javie, Vallée du Bès
Coordonnées GPS : UTM 32 : X 282 804 – Y 4 898 761

En écho aux tracés sinueux du sentier montant emprunté par les marcheurs, l’artiste choisit, pour motif de sa composition murale, la ligne sinusoïdale. Sur la hauteur du mur pignon intérieur du refuge, l’enduit en terre rouge puisée sur le terrain alentour dégage une poétique. Au centre, sur toute sa verticalité, il déploie la forme douce ondoyante par l’apport de matière, en un relief allant croissant, du sol au sommet. Elle semble être un corps vivant enflé par sa respiration. Le mouvement de vie souterraine est presque réel.

 

Refuge – La Forest, 2008
Saint-Geniez
Coordonnées GPS : UTM 32 : X 267 936 – Y 4 900 567

Dans la continuité de l’œuvre réalisée à la chapelle Sainte-Madeleine, une semblable cavité de pierres taillées a été créée à l’emplacement du chœur de l’église du village. Mais la cavité accueille, ici, une source de lumière naturelle qui irradie l’espace d’une blancheur céleste. Partiellement détruit, le village conserve toutes les traces très vives de la beauté du bâti et des vies passées. La philosophie du travail de Goldsworthy s’y réfère sans cesse. C’est pourquoi la reconstruction à partir des pierres d’origine même, et la réhabilitation des lieux restent l’un de ses plus forts engagements artistiques. Ils ravivent ainsi la mémoire et réintroduisent la vie.  

 

Refuge – Col de l’Escuichière, 2004-2010
Le Brusquet, Vallée de la Bléone
Coordonnées GPS : UTM 32 : X 283 376 – Y 4 896 580

A l’Escuichière, nous sommes à un niveau géologique (l’Hettangien) caractérisé par du calcaire sombre strié de veines blanches. Durant son projet de restauration de ce refuge à double entrée, l’artiste avait repéré sur une ruine alentour, que les constructeurs avaient utilisé esthétiquement cette qualité de la pierre. Il choisit à son tour l’échelle des murs intérieurs pour dessiner, avec ces lignes naturelles de calcite. L’un des murs impose une croix blanche, l’autre des lignes tremblantes courant verticalement sur toute la hauteur. L’effet est spectaculaire quand les moyens sont en réalité ceux que lui a donné la nature. Dans toutes ses réalisations, Goldsworthy essaie de comprendre et de saisir le flux de vie et d’énergie présent dans les matériaux.