Agathe Larpent, L’eau coule, les pierres demeurent immobiles au fil de l’eau

Agathe Larpent, L’eau coule, les pierres demeurent immobiles au fil de l’eau, 1999

Sculptures, céramique

Musée Promenade, Digne-les-Bains

 

Le proverbe roumain, L’eau coule, les pierres demeurent immobiles au fil de l’eau, a inspiré la proposition artistique d’Agathe Larpent. Elle s’immisce discrètement le long du sentier de l’eau du parc St Benoît et suscite un temps d’arrêt. Un ensemble de stèles en céramique de différentes hauteurs côtoie des formes-pierres basses et jalonne le cours de l’eau, selon une ligne serpentine, parmi les pierres naturelles déjà là. Les sculptures ont chacune reçu un traitement coloré particulier, un travail de la matière singulier. Ceci confère à l’ensemble une luminescence différenciée, en fonction de l’emplacement des parties, des éclats d’eau, du voisinage de feuillage ou de la profondeur de l’ombre des arbres aux pieds desquels elles sont placées. Blocs miroirs, surfaces planes ou cabossées, les pièces de céramique imposent un nouvel ordre au rythme de la nature. Avec le temps propice à leur enracinement, les saisons font leur œuvre, entre le chatoiement de l’eau vive ou stagnante et de la qualité aérienne ou souterraine de l’eau. La présence discrète, mais non moins puissante, de l’œuvre ponctue le lieu et ancre le regard. Le déplacement poétique que propose Agathe Larpent laisse émaner l’activité des quatre éléments, leur relation.

 

« C’est dans cet espace du CAIRN que les stèles se sont imposées à moi, comme appelées par la végétation d’arbrisseaux, de roseaux, d’herbes. Sculptures verticales ou étales, éclaboussées d’émail, d’eau, rythmant les marches du ruisseau en chatoiement divers. »

 «  C’est ce qui se passe et qui passe, ce qui s’arrête, ce qui demeure, le temps pour voir, humer l’ombre, écouter la lumière, respirer le murmure, découvrir le particulier. » (2023)

 

Agathe Larpent est une artiste reconnue dans le champ de la céramique contemporaine. Diplômée de l’École des Arts appliqués et des Métiers d’art en 1970, elles s’est installée à Thoard où elle vit et travaille. Son œuvre se déploie sur près de cinquante années, toujours attentive aux processus variés qu’offre la richesse de la technique. Néanmoins, elle ne s’en tient pas là. Son engagement formel la hisse au rang des œuvres poétiques. Chaque forme élaborée conduit l’apparition d’une présence qui vibre, au-delà de l’objet sculptural, vers la trace d’une vision, vive et touchante, dans la masse même de la matière. Petites pièces à poser, formes simples mais remuantes par la densité des zones de contacts, des plis, du lisse au rugueux. Si les titres nous tirent vers la montagne, les vallées, les pierres ou les pavés, il y a pas de sujets à reconnaître, il s’agit plutôt de percevoir des traces de présences que la matière profonde sculpte, dès que sont rendues les conditions de visibilité : l’angle adéquat, la lumière et ses reflets de surface… Habitées du feu intérieur qui les a fait naître, les œuvres d’Agathe Larpent figurent, sans motif, l’insaisissable mystère de leur gestation.