Henri Olivier, Lavogne, 2000
Sculpture pour les oiseaux, les moutons, les salamandres, les papillons…
Bassin en porphyre, installation permanente
Musée Promenade, Digne-les-Bains
Lavogne, désigne la mare formée au fond d’une cavité, parfois aménagée par l’homme, dans un causse (un plateau calcaire significatif des pays très secs) ; les animaux sauvages ou d’élevage viennent s’y abreuver. La ruralité du territoire, son histoire liée au pastoralisme et aux modifications engendrées du paysage sont très directement évoquées. Le bassin-installation est réalisé en porphyre bleu. Cette roche magmatique parsemée de cristaux blancs le rend imperméable et miroitant. Ses qualités ennoblissent le simple abreuvoir en objet esthétique. Les reflets chatoyants et vibratoires agissent au cœur de l’œuvre, suscitant une perception autre du paysage.
En consultant des cartes de végétation des années 50 autour du parc, Henri Olivier constate que les pins noirs d’Autriche ont, depuis, colonisé le territoire, descendant des sommets vers les plaines, et modifiant considérablement la végétation jusqu’au jardin Saint-Benoît. La coupe des pins noirs sur le pourtour de la zone d’implantation de sa sculpture a permis aux chênes autochtones de reprendre le dessus, à l’herbe et aux fleurs de repousser et de favoriser la biodiversité. Lavogne – Sculpture pour les oiseaux, les moutons, les salamandres, les papillons… y prend tout son sens. Elle adopte la perspective du care – prenant soin de rétablir des conditions équilibrées entre présence humaine et vie naturelle.
« Je voudrais m’asseoir à l’ombre, dans un fauteuil qui m’enracine dans ce lieu, ne plus bouger jusqu’à l’engourdissement, jusqu’à m’intégrer, ici. Comme un arbre. Comprendre les choses de ce seul point de vue, mais en percevant tout : l’ombre, l’air, les odeurs, les mouvements. Pas d’une façon intelligible ; plutôt sensitive. Une contemplation ; être dedans, appartenir et participer à l’état des lieux. » Henri Olivier, dossier de presse de l’exposition Henri Olivier, 2006, Domaine de Baudouvin/La Valette du var.
Des Alpes Maritimes, d’où il vit et travaille depuis 1980, Henri Olivier a développé une démarche artistique nourrie d’une expérience de paysagiste. Dans le contexte de son enseignement donné à l’École Méditerranéenne des Jardins et du Paysage de Grasse, il a réalisé plusieurs jardins, puis conçu les quatre patios de la Villa Arson Nice (2011), avant d’élaborer des projets et réalisations de jardins en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Maroc jusqu’en 2015. Il reste de cette pratique une connaissance profonde des milieux. Son travail d’installations et de sculptures puisent les ressources et les formes dans le domaine naturel, mais sans l’épuiser, en en valorisant les qualités et en mesurant les impacts de ses interventions. Si le sculptural rencontre le végétal, l’attention de l’artiste se concentre sur l’imperceptible énergie contenue dans la matière (Synapse, 2017) ou le parcours de l’ombre (Ligne d’horizon, 1993-2017). En extérieur où il agit avec autant de précisions, ses interventions légères entrent en dialogue avec le site et établissent un équilibre entre nature et culture. Loin de la monumentalité, son travail s’efforce de souligner en s’effaçant, de valoriser en chuchotant, dans une pleine conscience des enjeux esthétiques et environnementaux, sur lesquels l’artiste se positionne.