GASSENDI, explorateur des sciences

Gassendi, explorateur des sciences
Anthony Turner, Nadine Gomez-Passamar
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27,00 €

1992

Éditeur : Musée Gassendi

 

Préface de Tullio Grégory. Édition française / 20,5 x 27 cm / 204 pages (ill.)

Gassendi, explorateur des sciences ouvrage publié à l’occasion de l’exposition au musée Gassendi, du 19 mai au 18 octobre 1992, célébrant le quatrième centenaire de la naissance de Pierre Gassendi.

« En effet la notoriété des choses est pareille au crépuscule du soir: d’abord très lumineuse, elle s’évanouit peu à peu au point que finalement elle disparaisse dans les ténèbres, et il y a besoin de l’histoire en qualité de torche qui l’éclaire. »

La réputation de Pierre Gassendi est conforme au scénario qu’il a dressé dans la dédicace de son livre sur Peiresc (Lassalle 21). Savant parmi les plus célèbres de l’Europe à la fin de sa vie, Gassendi, malgré l’influence importante qu’il a exercée sur toute une génération de savants en France, en Italie et en Angleterre a été vite oublié. Humaniste et érudit, mais peut-être manipulant la langue française avec hésitation étant donné que sa langue maternelle était le provençal, Gassendi a écrit toute son œuvre en latin. Ce faisant il s’est assuré d’être lu par tous les savants de l’Europe de son vivant. Mais sa génération était à peu près la dernière à s’être exprimée naturellement en latin. Si Bernier, son élève et disciple, a senti la nécessité de résumer l’œuvre de Gassendi en français ce n’était pas sans raison. Le déclin de la réputation de Gassendi commença avec la disparition du latin comme langage courant des intellectuels d’Europe.

Mais ce déclin était peut-être aussi le résultat du fait que l’Europe du XVIIIe siècle n’avait plus besoin de Gassendi ni de ses leçons. Plus besoin parce que le réflexe d’observer systématiquement, l’empirisme acharné que Gassendi a montré aux savants de son époque, était maintenant ancré dans les habitudes; plus besoin, parce que l’approche atomiste et mécanique de l’étude de la nature était maintenant intégrée dans la pensée des chercheurs et philosophes; plus besoin, parce que la synthèse newtonienne était en train de triompher sur tout autre système de philosophie syncrétique et universel. En plus Gassendi était difficile à lire. En 1765 Dreux du Radier pose la question : « Mais pourquoi la Philosophie de Gassendi, admirée de tout le monde, a-t-elle fait si peu de bruit ? Il faut s’en prendre à sa Littérature trop étendue, qui a mis de trop grands intervalles entre ses raisonnemens, & qui en a dissipé la force, & caché la liaison. »

Les années passant, les admonitions de Gassendi sont devenues de moins en moins utiles, et sa philosophie de plus en plus démodée. Même en astronomie, domaine où Gassendi a travaillé le plus et avec le plus de résultats, la révolution provoquée dans l’astronomie d’observation par l’application des lunettes aux grands appareils vers 1670 n’a laissé à ses observations qu’un intérêt historique. Flamsteed en 1709 estimait que les positions des planètes dérivées des observations de Gassendi « are scarce to be depended upon, because taken only with a forestaff » ; (sont peu dignes de confiance parce que prises uniquement avec le rayon astronomique; Bailly, 273).

Gassendi n’a pas été complètement oublié aux XVIIIe et XIXe siècles: dans sa région, il est toujours resté un souvenir de lui. Mais il n’était plus qu’une réputation: Gassendi n’était pas lu, ses œuvres n’étaient plus utilisées. C’était une figure de l’histoire devant qui il fallait s’agenouiller, mais pas s’arrêter. Aux érudits du XXe siècle, et plutôt aux historiens des idées, de retrouver l’intérêt de son œuvre pour le développement de la pensée européenne. Mais le côté strictement « scientifique » dans le sens moderne du terme, malgré les belles études de Pierre Humbert, est resté un peu dans l’ombre. C’est pour cette raison, et avec la conviction que les activités de Gassendi peuvent nous apprendre encore beaucoup de choses sur l’investigation de la nature au XVIIe siècle, que cette exposition a été orientée sur les travaux de Gassendi autour de ce que nous appelons aujourd’hui « les sciences ». Mais nous n’avons pas voulu être trop réducteur. Nous avons donc essayé de présenter ces investigations dans le cadre de la vie de l’homme et de ses idées.

Dans l’exposition, nous avons essayé de présenter un exemplaire de chaque publication majeure de Gassendi et de le décrire en détail. Les collations présentées sont basées pour la plupart sur un examen d’au moins trois exemplaires de l’ouvrage concerné. Si par conséquent l’exposition semble un peu trop « livresque », nous sommes sans regrets: « Il a été à propos de donner l’histoire, l’analyse & le sujet de ses ouvrages: la véritable histoire d’un scavant est celle de ses livres » et nous sommes de l’avis de Bougerel (sig aviir). En même temps, malgré le risque de déséquilibrer l’exposition, nous avons décidé d’étudier en détail les portraits de Gassendi. Cette étude forme la dernière partie de l’exposition mais là nous n’avons pas hésité à faire référence aux portraits représentés seulement par des copies photographiques – ou même pas représentés du tout – dans l’exposition. »

Anthony Turner, historien des sciences / Nadine Passamar-Gomez, conservatrice du musée Gassendi